La monnaie est un outil séculaire inventé par la communauté humaine afin de réguler ses échanges en lieu et place de l'archaïque système de troc. Et quand je dit « inventé » ce n'est pas un vain mot tel que les publicites peuvent utiliser. Que je sache, on n' « invente » pas un nouveau forfait de téléphonie mobile. On propose une offre commerciale supplémentaire, nuance. Enfin passons ...
Tous les mois, pour leur plus grand réconfort et bien souvent comme seule et unique motivation, la plus grande partie des travailleurs, salariés de leur état, touche une rémunération. Non plus en espèces sonnantes et trébuchantes comme au temps jadis mais par un virement banquaire bien plus moderne et pratique. Pour une fois que le progrès apporte une authentique amélioration. Simple et efficace à défaut d'être équitable se plaindra l'immense majorité.
Dans ces émoluments, est généralement pris en compte la nécessité pour la masse laborieuse de se sustanter au milieu de la journée lorsque les entreprises qui l'exploitent ne disposent pas d'une salle de restauration. On peut ainsi espérer pouvoir grapiller quelques piécettes supplémentaires. Je dis « piécettes » mais dans l'idée, la meilleure mise en application serait l'incrémentation du virement mensuel par quelques dixaines.
C'est sans compter sur les vétilleux administreux désireux de justifier leur existance et de se tailler une part du gâteau au passage. Décrétant que la rémunération supplémentaire est, je cite « un avantage en nature », cette dernière entre alors dans leur juridiction. Las. Il faut alors en passer par le biais d'un système tiers: les tickets restaurant, chèques déjeuner et autres chèques repas.
En effet, pourquoi s'astreindre à respecter une norme lorsqu'on peut en développer une tout seul dans son coin ? Il est alors nécessaire de mettre en place de nouvelles presses, un système de distribution parallèle et je ne vous raconte pas le temps perdu en négociations du montant de l'unité variant inlassablement sous la barre des dix euros. Que d'énergie dispersée pour rien.
D'aucuns protesterons que les sommes perçues sous cette forme ne sont pas imposables. Certes. Réfléchissons-y d'un peu plus près: cinq euros par jour, vingt jours par mois en moyenne, douze mois par an, auxquels il convient de soustraire cinq semaines de congés payés ainsi que huit jours de RTT tant qu'elles existent encore, soit un peu plus de 1024 € par an. Un compte rond pour un informaticien dont je doute qu'il justifie à lui seul de sauter d'une tranche.
Un coup d'œil sur les inconvénients maintenant. Un peu de coercition tout d'abord avec l'obligation d'utiliser la chose dans un établissement qui l'accepte. Établissement qui bien entendu en est de sa poche pour avoir le droit de gérer ce moyen de payement batard. On note au passage que l'employeur, lui, bénéficie de largesses fiscales pour l'utilisation du système. Quant au prétendu bénéficiaire, il doit mettre la main au porte monnaie. Car si d'aventure le montant de son repas était inférieur à celui du ticket; la monnaie ne lui serait pas rendue.
Côté pratique: de la gestion en plus pour le pôle administratif de l'employeur (commander les carnets, compter les jours de chaque employé, les remettre en mains propre contre une signature ...). Pour le salarié, astreinte à la tenue de comptes d'apothiquaires pour compléter le ticket, poussage à la sur-consommation lorsque le seuil du chèque n'est pas atteint et parfois âpres négociations pour faire accepter le coupable moyen de payement en surnuméraire ou hors de horaire classiques de travail. Acune chance par contre qu'il soit accepté passé la date de préremption.
Compliqué tout ça n'est ce pas ? Pourtant le système perdure, au grand dam de nombre de ses utilisateurs.
Vivement la retraite ! Avec moins d'un tiers de mon salaire versé uniquement en sous-sous, je pourrai peut-être espérer pouvoir m'acheter une boîte de mou pour chat par jour.
Alors je serai vieux et je pourrai crever. J'veux mourrir malheureux pour ne rien regretter.